Expérience québécoise : quatre ans après la publication d’un guide de prévention

4 octobre 2012

Jean-François Bussières, Delphine Merger, Cynthia Tanguay CHU Sainte Justine, Université de Montréal Canada

En plus de la publication de l’alerte NIOSH sur les médicaments dangereux en 2004, les années deux mille ont été marquées au Québec par la publication du guide de prévention sur la manipulation des médicaments dangereux de l’Association paritaire pour la santé et la sécurité au travail du secteur affaires sociales (ASSTSAS) en 2008, d’une norme sur les préparations magistrales non stériles de l’Ordre des pharmaciens du Québec en 2011 et du projet de publication de la norme sur les préparations magistrales stériles de l’Ordre des pharmaciens du Québec prévue en 2012. La mise en place du programme de surveillance environnementale du cyclophosphamide (CP), de l’ifosfamide (IF) et du méthotrexate (MTX) par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et de l’Unité de recherche en pratique pharmaceutique (URPP) du CHU Sainte-Justine ont permis la réalisation de plusieurs études. L’objectif de cette communication est de présenter les principaux résultats de ces travaux.

Impact de la diffusion d’un guide de prévention

En 2008, un guide de prévention sur la manipulation sécuritaire des médicaments dangereux en 2008 a été publié par l’Association pour la santé et la sécurité au travail du secteur des affaires sociales (http://www.asstsas.qc.ca/publications/publications-specialisees/guides-de-prevention/guide-de-prevention-manipulation-securitaire-des-medicaments-dangereux.html). Notre équipe de recherche a été étroitement impliquée dans la rédaction de ce guide. Ce guide présente des recommandations pour travailler de façon sécuritaire avec les médicaments dangereux selon les étapes du circuit du médicament et est principalement destiné aux travailleurs du secteur de la santé.

Une enquête québécoise (http://www.asstsas.qc.ca/documents/Publications/Repertoire%20de%20nos%20publications/Autres/questionnaire%20%C3%A9valuation%20r%C3%A9seau.pdf) sur le circuit des médicaments dangereux en établissement de santé a été réalisée en 2006 (53 répondants), avant la publication de ce guide. En 2011, l’enquête a été répétée (33 répondants) afin d’évaluer l’impact de la publication de ce guide. Trente-trois pourcent des répondants (16/49) avaient réalisé une auto-évaluation de conformité lors de l’enquête 2006, contre 77% (24/31) lors de l’enquête 2011. La proportion de répondants possédant des politiques et procédures a augmenté de façon significative pour quatre des 24 items sondés : réception des médicaments dangereux, déballage des médicaments dangereux, monitorage des contrôles des salles de préparation et entretien de la pharmacie. La conformité aux pratiques proposées était en moyenne ± écart type de 52 ± 30% en 2006, contre une conformité moyenne de 69 ± 31% en 2011. On note une augmentation significative de la conformité pour 13 des 38 pratiques proposées.

La contamination de surface a-t-elle diminué au fil du temps ?

Une étude multicentrique a été réalisée auprès de 25 établissements de santé à l’échelle du Québec de 2008 à 2010. Six sites de prélèvements au département de pharmacie (comptoir de réception, tablettes d’entreposage, grille de la hotte, plancher devant la hotte, comptoir de validation, bac pour le transport des médicaments) et six sites de prélèvements sur les unités de soins (tablettes d’entreposage, comptoir pour l’amorçage et la validation, chaises, comptoir de la chambre des patients, comptoirs de la clinique externe, surface d’un contenant de médicament dangereux) ont été sélectionnés. Les limites de détection (LOD) utilisées étaient de 0.0015 ng/cm2 pour le CP, 0.0012 ng/cm2 pour l’IF et 0.006 ng/cm2 pour le MTX. Un total de 259 prélèvements ont été effectués et 135(52%) étaient positifs pour le CP, 53(20%) pour l’IF et 7(3%) pour le MTX. Aucun établissement participant n’utilisait de circuits fermés pour la préparation ou l’administration.

L’étude a été répétée en février et mars 2012 à l’échelle du Québec auprès de 33 établissements de santé dont 21 avaient également participé à l’étude de 2008-2010. Les limites de détection (LOD) utilisées étaient de 0.0018 ng/cm2 pour le CP, 0.0022 ng/cm2 pour l’IF et 0.0075 ng/cm2 pour le MTX. Un total de 367 prélèvements ont été effectués et 149(40%) étaient positifs pour le CP, 69(18%) pour l’IF et 17(5%) pour le MTX.

Entre 2008-2010 et 2012, le 75e percentile de la concentration de CP sur les surfaces a diminué de 0.04 à 0.009 ng/cm2 dans les zones de la pharmacie et de 0.03 à 0.01 ng/cm2 sur les unités de soins. Ces deux études mettent en évidence des taux de contamination comparable à ce qui est rapporté dans la littérature et même similaires à ceux rapportés dans certaines études réalisées avec des systèmes en circuits fermés.

Est-il raisonnable d’envisager la centralisation de la purge des tubulures ?

Dans notre centre, la purge des tubulures des médicaments dangereux était réalisée par les infirmières sur les unités de soins. Nous avons évalué l’impact de réaliser la purge des tubulures à la pharmacie. Nous retenons de cette étude pilote que la centralisation de la purge diminue probablement le risque de contamination sur les unités de soins et l’exposition du personnel et des familles présentes sur les unités de soins. Le temps de préparation requis par les infirmières s’en trouve diminué, mais cela augmente le temps de préparation à la pharmacie et requiert d’importants changements opérationnels.

Le problème de contamination survient-il en pharmacie d’officine ?

Au Québec, le personnel des pharmacies d’officine est amené à manipuler les comprimés de médicaments dangereux et les traitements sont préparés à l’aide de compte-pilules. Des prélèvements de surface ont été réalisés dans 20 pharmacies d’officine pour trois sites de prélèvements chacune (compte-pilule dédié au MTX, extérieur d’un contenant de MTX, comptoirs de préparation) en 2012. Des 60 prélèvements analysés, aucun n’avait de traces de CP ou d’IF. Neuf (45%) des contenants de MTX, 11(55%) des comptes-pilules dédiés et aucun (0%) des comptoirs avaient des traces de MTX. La contamination de surface n’est donc pas exclusive aux établissements de santé.

Envisage-t-on d’autres mesures de surveillance ?

Un protocole de surveillance urinaire est présentement en cours de développement et l’étude débutera en 2013.

Conclusion

Il y a présence de traces de médicaments dangereux dans les environnements pharmaceutiques et cliniques en établissement de santé et en officine. Tous les pharmaciens doivent être sensibilisés à cette problématique et contribuer à la réduction de cette contamination.

Afin de favoriser la diffusion de nos travaux de recherche, nous avons créé un blogue qui présente les résultats des dernières publications de l’URPP : http://urppchusj.wordpress.com. Nous vous invitons à consulter ce blogue ou à vous abonner à notre page Facebook et à notre compte Twitter afin de suivre nos travaux.

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