Risque d’exposition chimique et perméabilité des gants

3 octobre 2013

A. Capron Cliniques Universitaires Saint-Luc, Laboratoire de Biochimie Analytique.
Bruxelles, Belgique.

L’Organisation Mondiale de la Santé prévoit une progression du cancer de 50% d’ici 2020, soit environ 15 millions de nouveaux cas de cancers par ans à l’échelle mondiale. La cause de cette augmentation inéluctable réside principalement dans le vieillissement des populations, tant dans les pays développés que dans les pays du Tiers Monde. La croissance du tabagisme ainsi que la généralisation des modes de vie peu sains ne sont pas non plus étrangers à la multiplication des cas de cancers. La chimiothérapie figure parmi les traitements les plus fréquemment utilisés pour combattre le cancer. Or, on sait que la plus part des cytostatiques sont potentiellement carcinogènes pour celui qui les manipule.

Les gants représentant la première ligne de protection lors de la manipulation de ces agents cytotoxiques, les matériaux utilisés devraient être testés par rapport à leur perméabilité face aux molécules utilisées. A l’heure actuelle deux méthodes principales existent pour évaluer ce risque d’exposition ; le test de mutagenicité et la quantification de cytotoxiques basée sur des standards de perméabilité tels que EN 374-3(non spécifique) [1], ASTM F739-99a(non spécifique) [2] et D6978-05(spécifique) [3].

Les études menées en matière de protection du manipulateur de cytotoxiques ont montré que la perméabilité des gants face à un agent particulier dépendait du matériau et de l’épaisseur du gant considéré. Néanmoins, la plupart de ces études ont été réalisées dans des conditions assez éloignées de celles rencontrées quotidiennement par les professionnels de la santé qui manipulent quotidiennement ces cytotoxiques.

Récemment, nous avons investigué l’effet de conditions plus réalistes sur la perméabilité de plusieurs types de gants (vinyle, néoprène, nitrile, latex) face à 13 cytotoxiques (carmustine, cisplatine, cyclophosphamide, cytarabine, docétaxel, doxorubicine, etoposide, fluorouracil, ifosfamide, irinotecan, methotrexate, thiotepa, vinorelbine) en utilisant des techniques de dosage sensibles et spécifiques pour chaque molécule. Ces conditions, plus rationnelles, consistent en une simulation de contact dynamique (ex. : friction et étirement) à une température de 37°C (t° normal du corps), à différent temps d’exposition (15, 30 et 60 min), et après un prétraitement de 15 minutes avec une solution alcoolique 70%. De plus pour 6 médicaments une exposition à 43°C a été réalisée avec différents double-gantages afin d’évaluer le risque encouru par le personnel de soins de santé durant une procédure HIPEC (hyperthermic intraperitoneal chemoterapy).

D’une manière générale les résultats de cette étude ont confirmé que le vinyle était à proscrire lors de la manipulation de cytotoxiques, ce dernier étant perméable à plusieurs molécules, au-delà de la norme EN 374-3. Autrement, le néoprène, le latex, et le nitrile semblent être les matériaux les moins perméables aux cytotoxiques étudiés. D’autres facteurs additionnels, comme le temps d’exposition, l’épaisseur du gant, la liposolubilité et le poids moléculaire du cytotoxique affectent également la perméabilité. Le prétraitement à l’alcool ne semble pas augmenter la perméabilité des matériaux étudiés face aux différents cytotoxiques.

Toutes ces considérations nous ont amené à proposer des règles de « bonne conduite » lors de la manipulation de cytotoxiques :

  • Ne pas utiliser un gant en vinyle.
  • Changer de gant au moins toute les 30 minutes (de préférence toute les 15-20 min).
  • Changer de gant dès qu’on suspecte un point de rupture.
  • Porter une attention particulière lors de la manipulation de molécules lipophiles à faible poids moléculaire.

Enfin, si le port des gants est la première barrière de protection contre une exposition aux cytotoxiques, il existe d’autres outils qui peuvent aider à limiter leur exposition professionnelle. Notamment, l’analyse des surfaces de travail qui met en évidence les zones de contamination récurrentes et permet dès lors d’améliorer la qualité de manipulation des agents cytostatiques que ce soit en pharmacie, mais aussi dans les unités de soins.

[1European Standard EN 374-3, protective gloves against chemicals and microorganisms ; part 3 : determination of resistance to permeation by chemicals. Brussels, Belgium : European Committee for Standardization ; 2003.

[2Standard test method for resistance of protective clothing materials to permeation by liquids or gases under conditions of continuous contact. F739-99a. West Conshohocken, PA : ASTM International ;1999.

[3Standard practice for assessment of resistance of medical gloves to permeation by chemotherapy drugs. D6978-05. West Conshohocken, PA : ASTM International ; 2005.

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