Optimisation environnementale de la production de chimiothérapies : étude comparative de la Gemcitabine prête à l’emploi vs préparée en unité de reconstitution de cytotoxiques

Introduction
Les préparations hospitalières de gemcitabine, réalisées en en unité de reconstitution de cytotoxiques injectables (URC), génèrent des émissions de gaz à effet de serre liées à la production du verre, l’utilisation de dispositifs à usage unique ou encore l’incinération des déchets générés. Les poches prêtes à l’emploi (RTU) de gemcitabine, en polypropylène, pourraient réduire cette empreinte. Nous avons comparé l’impact carbone de ces deux circuits, de la fabrication à l’élimination, à l’aide de deux outils d’analyse du cycle de vie indépendants.

Matériel et méthodes
Une évaluation du cycle de vie, conforme à la norme ISO 14040, a été réalisée pour comparer les formats RTU de gemcitabine (1200 à 2200 mg) à leurs équivalents préparés en URC. Pour chaque dose, nous avons analysé les étapes pertinentes du cycle de vie — substance active, excipients, emballage, transports, consommables spécifiques et fin de vie — en tenant compte uniquement des éléments différenciant les deux options. Les émissions ont été calculées à l’aide des outils Ecovamed^© 2025, Carebone^© v2.3 (AP-HP), ainsi qu’à l’aide de données internes disponibles. Les résultats moyens par dose correspondent au différentiel entre les deux options, obtenu en moyennant les 2 méthodes (+/- nos données), avec calcul de l’écart type.

Résultats
Comparée à la préparation conventionnelle en flacons, la solution RTU permet une économie moyenne de :
• 0,82 ± 0,44 kg éqCO₂ pour 1200 mg,
• 1,01 ± 0,62 kg pour 1400 mg,
• 1,18 ± 0,80 kg pour 1600 mg,
• 1,35 ± 0,94 kg pour 1800 mg,
• 1,49 ± 1,07 kg pour 2000 mg,
• 1,70 ± 1,26 kg pour 2200 mg.

Les résultats obtenus sont cohérents entre les différents méthodes d’analyse. En proportion, les économies carbone par dose varient de 40 % à 60 % par rapport à la préparation traditionnelle. Les principaux postes d’économie sont le remplacement du conditionnement en verre lourd par du plastique léger (≈42 %), l’élimination de plusieurs dispositifs stériles à usage unique (≈19 %) et la réduction du volume de déchets cliniques incinérés en fin de vie (≈14 %). Plus la dose augmente, plus le nombre de flacons et de consommables requis croît de façon disproportionnée, ce qui renforce l’avantage environnemental des formats RTU.

Conclusion
Le remplacement des flacons en verre par des poches de gemcitabine prêtes à l’emploi réduit l’impact environnemental, avec jusqu’à 1,7 kg éqCO₂ évités par dose administrée. Pour contextualiser, cette économie équivaut aux émissions générées par un trajet en voiture de 15 minutes, ou à l’empreinte carbone quotidienne d’un individu vivant dans un foyer européen à faibles émissions. Avec plusieurs centaines de doses administrées chaque année dans un seul établissement, les économies cumulées dépassent rapidement une tonne d’équivalent CO₂, faisant de l’adoption des poches RTU une stratégie de décarbonation pragmatique et facilement déployable. En URC, où la sécurité et l’efficacité sont prioritaires, intégrer de tels formats écoresponsables permettrait aux établissements de concilier objectifs environnementaux, contraintes opérationnelles et impératifs cliniques, sans compromis sur la qualité des soins ni les flux de travail.