Pharmacotechnie des médicaments de thérapies innovantes (MTI)

7 octobre 2016

C. Bernard Pitié-Salpêtrière Hospital (CHU), Paris

Point réglementaire

En novembre 2007, le règlement européen CE 1394/2007 crée une nouvelle catégorie de médicaments biologiques : les Médicaments de thérapie innovante (MTI). Ce nouveau règlement :

  • Est une lex specialis qui modifie les codes et procédures communautaires existantes en particulier : la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain ainsi que le règlement (CE) n° 726/2004 établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments ;
  • Institue le "Commitee for Advanced Therapies" (CAT) en charge notamment de la classification de ces produits et de l’évaluation des dossiers de demande d’autorisation de mise sur le marché ;
  • Confirme le caractère innovant des médicaments de thérapies cellulaires somatiques et des médicaments de thérapie génique ;
  • Institue une définition juridique des produits de l’ingénierie tissulaire et des médicaments combinés de thérapie innovante.

Ce règlement a été transposé en droit français par :

  • L’article 8 de la loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques ;
  • Le décret n° 2012-1236 du 6 novembre 2012 relatif aux médicaments de thérapie innovante, dont l’objet est les : « procédure et conditions d’autorisation des établissements fabriquant des médicaments de thérapie innovante » ;
  • L’article L. 4211-9-2 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé français qui autorise, par dérogation dans le cadre de la recherche biomédicale, les établissements de santé, non pharmaceutiques, qui disposent d’une autorisation de l’Ansm à assurer la fabrication, l’importation, l’exportation, la distribution et l’exploitation des MTI.

Par ailleurs, ce règlement définit deux exceptions :

  • « L’exception éthique » dans laquelle Il importe que la réglementation des médicaments de thérapie innovante au niveau communautaire ne porte pas atteinte aux décisions prises par les États membres concernant l’opportunité d’autoriser l’utilisation de tel ou tel type de cellules humaines, par exemple les cellules souches embryonnaires, ou de cellules animales ;
  • Et « l’exemption hospitalière » créant les MTI préparée de façon ponctuelle (MTI-pp) selon des normes de qualité spécifiques, et utilisés au sein du même État membre, dans un hôpital, sous la responsabilité professionnelle exclusive d’un médecin, pour exécuter une prescription médicale déterminée pour un produit spécialement conçu à l’intention d’un malade déterminé, transposée en droit français par :
  • L’arrêté du 4 février 2013 fixant le contenu des demandes d’autorisation initiale, de renouvellement d’autorisation ou de modification d’autorisation des médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement et des établissements ou organismes qui préparent ces produits qui peuvent ne pas être pharmaceutique ;
  • La décision du 20 mai 2015 relative aux principes de bonnes pratiques de préparation, de conservation, de distribution et de cession des médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement définis au 17° de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique qui revient à l’application des BPF.

Enfin, il ne déroge pas aux principes fondamentaux de la directive 2004/23/CE relative à l’établissement de normes de qualité et de sécurité pour le don, l’obtention, le contrôle, la transformation, la conservation, le stockage et la distribution des tissus et cellules humains, mais introduit des exigences supplémentaires.

Ainsi, la directive 2004/23/CE s’applique pour le don, l’obtention et le contrôle, du tissu ou des cellules qui serviront de matériau de départ pour la production du MTI, mais aussi pour les préparations de thérapie cellulaire qui ne sont pas des médicaments car elles :

  • Ne sont pas modifiées de façon substantielle ET ;
  • Sont destinées à être utilisées pour la même fonction essentielle chez le donneur et le receveur
  • Ont des bonnes pratiques spécifiques décrites dans la décision du 27 octobre 2010 règles de bonnes pratiques relatives à la préparation, à la conservation, au transport, à la distribution et à la cession des tissus, des cellules et des préparations de thérapie cellulaire.

Quels impacts pour la pharmacie hospitalière ?

Différents cas définissant le niveau de la prise en charge pharmaceutique ou non sont possibles selon i) qu’il s’agisse d’un MTI ou d’un MTI-pp, ii) que celle-ci soit dans le cadre d’une AMM ou dans le cadre d’un essai clinique, enfin iii) qu’il s’agisse d’un médicament de thérapie génique ou non. Les préparations de thérapie cellulaire, utilisées principalement dans le cadre des hémopathies pour la « greffe de moelle » ne sont pas, à ce jour, dans le champ pharmaceutique.

Les différents niveaux de prise en charge pharmaceutique, dans des conditions et/ou avec des opérations plus ou moins habituelles en pharmacie hospitalière, sont :

  • Le circuit du médicament avec :
  • La réception qui peut imposer de respecter les exigences de la réglementation du don (directive 2004/23/CE) et de sa qualification s’il s’agit de produire un médicament expérimental dans le cadre d’un essai clinique ;
  • La conservation qui peut imposer des conditions particulières si le médicament nécessite d’être cryoconservé en azote que cela le soit dans le cadre d’une commercialisation ou d’un essai clinique pour un MTI ou MTI-pp ;
  • La dispensation qui nécessité une opération de décongélation pour les mêmes raisons citées au point précédent ;
  • Enfin dans le cadre d’un médicament de thérapie génique, commercialisé ou en essai clinique, il faudra que le circuit du médicament tienne compte des conditions de confinement requises y compris pour les déchets de production si nécessaire.
  • La production s’effectuera éventuellement dans le cadre d’un essai clinique. Elle pourra nécessiter :
  • La prise en charge du prélèvement, dans le respect de la règlementation du don cité précédemment, avec l’entrée de cette matière première potentiellement contaminée dans une zone à atmosphère contrôlée ;
  • L’application de « transformations » de ce prélèvement telle que : Les modifications substantielles citées dans l’annexe I du règlement CE 1394/2007 : découpage, broyage, façonnage, centrifugation, trempage dans des solutions antibiotiques ou antimicrobiennes, stérilisation, irradiation, séparation, concentration ou purification de cellules, filtration, lyophilisation, congélation, cryoconservation, vitrification. Mais, aussi trypsination ou autre procédé permettant la séparation des cellules, déplasmatisation, désérythrocytation, déplaquettisation, modification génétique et décongélation ;
  • Bien sûr, l’utilisation de PSM en zones à atmosphère contrôlée en conformité avec les recommandations des BPF ;
  • Le conditionnement et étiquetage qui s’il devra respecter les recommandations de la ligne directrice 13 des BPF concernant la production des médicaments expérimentaux devra aussi respecter les exigences réglementaires du don (directive 2004/23/CE) en particulier pour les médicaments de thérapie cellulaire somatique pour le prélèvement aux étapes de réception et de stockage ;
  • Le contrôle qualité qui peut être qualifié pour une partie de biologie analytique car utilisant des techniques d’analyse telles que : la cytométrie en flux multiparamétrique, le séquençage haut débit, les techniques « omiques » et l’analyse des données massives générées par ces techniques haut débit.
  • Les vigilances :
    Bien que les MTI et MTI-pp étant des médicaments soient du ressort de la pharmacovigilance, la multiplicité des matériaux employés et leurs différents statuts nécessite aussi de faire appel à deux autres vigilances que sont : la biovigilance dans le cadre de la réglementation du don et la matériovigilance pour celle des dispositifs médicaux.

Ainsi, ce nouveau règlement et les MTI apportent de nouveaux défis pour le monde scientifique et médical et en particulier pour la pharmacie hospitalière. En effet, le parlement européen les a créés en considérant, dans son premier argument, que : « Des progrès scientifiques récents en biotechnologie cellulaire et moléculaire ont conduit à la mise au point de thérapies innovantes,telles que la thérapie génique, la thérapie cellulaire somatique ou l’ingénierie tissulaire. Cette discipline naissante, la biomédecine, offre de nouvelles possibilités de traitements des maladies et des dysfonctionnements du corps humain. » Aussi, que la pharmacie hospitalière et les pharmaciens continuent d’imaginer et de construire une « biopharmacie » pour accompagner, compléter et soutenir les immenses espoirs de cette « biomédecine ».

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